Carte d'identité
Utilité et services de l'arbre
Arbres liés - jumelage
Belgique
Union Européenne
Traits et caractères de l'individu
Cet individu fait partie du patrimoine vivant de la Région bruxelloise, National et Mondial. Il garde une des portes du Palais d’Egmont. Son feuillage, vert toute l’année, trône au-dessus des grilles, et ombrage un petit parking pavé.
Ce chêne a été jumelé avec un coup de coeur de l'association française A.R.B.R.E.S (cf section jumelage et photo ci dessous) . Son jumeau français serait âgé d'environ 150 ans. Il se trouve dans le Parc Simon à Augny (Moselle, Région Grand Est). Il a été greffé sur un chêne commun à 1,5 m de hauteur. Le tronc laisse aujourd’hui apparaitre une énorme loupe.
L’Arbre X
Dans la plus grande discrétion
Ce chêne trapu, au feuillage très dense, pousse tranquillement dans un coin peu fréquenté du Parc Egmont. Avec ses 23 mètres de haut, ce petit individu attire à peine l’attention des promeneurs. Il faut dire que le Quercus x Turneri n’a pas l’envergure de nos grands chênes, le Quercus robur et le Quercus petrea, qui traversent les siècles et atteignent facilement 40 mètres . De plus il est un peu écrasé par « l’Hôtel » voisin, qui élève ses 30 étages au-dessus du parc.
Pourtant, ce spécimen est un des arbres classés de Belgique. Il est le premier à avoir été mis à l’Inventaire des arbres remarquables de la Région en 1999. Et il fait partie des plus beaux arbres monumentaux du monde. Comme quoi, il ne faut pas forcément être multi-centenaire et géant pour accéder au rang d’arbre remarquable.
La bête d’Essex
La discrétion de cet arbre fait tout son charme. Car, mine de rien, ce spécimen est assez exceptionnel. Il a sans doute été planté vers 1901-1902 par Edmont Galoppin, l’architecte paysagiste qui a transformé la pelouse du Sanglier du Palais d’Egmont. Son tronc fait déjà 2,7 mètres de tour : un record pour son jeune âge.
Sa couronne généreuse et bien arrondie sculpte le paysage : elle se love dans la perspective du passage de Milan. Au printemps, ses châtons jaunes contrastent joliment avec ses feuilles vert foncé. Le tronc est paré d’une écorce gris argenté. Elle se fracture en petites plaquettes. Elle invite au toucher. Mais l’arbre est protégé par les grilles du palais. Seuls les chiens de garde violent son intimité.
Le petit nom scientifique de cette espèce d’individu est Quercus x Turneri. Contrairement à ce que certains pensent, son caractère x ne vient pas d’une sexualité particulièrement débridée. Ni d’Essex, le nom de sa ville d’origine en Angleterre. Le x indique juste que cet arbre est issu d’un croisement. Il a été créé à la fin du 19e, à partir du chêne pédonculé, le chêne le plus classique de nos régions, et du chêne vert du Sud de la France. Quand à Turner : il doit ce nom à un botaniste anglais à qui l’on a rendu hommage lors de la création de cette nouvelle espèce. Pas du fameux peintre anglais.
Une sensualité distinguée
Comme le chêne vert, cet individu garde un feuillage brillant presque toute l’année. Il ne se dénude pudiquement qu’au début du printemps, lorsque ses nouvelles feuilles arrivent. Pour le plus grand plaisir des caméras de sécurité qui le mâtent en permanence. Contrairement au chêne pédonculé, il n’est pas marcescent : ses branches ne sont pas habillées de feuilles brunes pendant l’hiver mais plutôt de feuilles vertes, coriaces et bien vivantes. Elles effectuent la photosynthèse dès que la température le leur permet.
Dans l’Antiquité le chêne était l’arbre prophète, l’arbre des oracles, qui délivrait les messages de Zeus en agitant son feuillage. Cet individu ci, lui, murmure des mots doux à qui sait écouter. Il les distille au fil de toutes les saisons. Si vous passez par-là, laissez-vous bercer par son langage. Et qui sait si les dryades, ces belles femmes qui habitent les chênes, danseront pour vous autour de l’arbre afin de vous emmener dans leurs ébats.
Du chêne pédonculé, le chêne de Turner a hérité de petits lobes « auriculés » : ils rappellent ceux de nos oreilles. Mais il a gardé le piquant du chêne vert, dont la feuille dentée ressemble à celle du houx. Ainsi, le contour de sa feuille présente un caractère plus affirmé que celui de ses parents : elle est ovale, allongée, aux courbes arrondies mais plus fortement lobbées et pointues.
Autre distinction : ses glands aussi sont un peu pointus. Ils sont à moitié recouverts par leur cupule à écailles. Qui sait si ces fruits sont aussi sucrés que ceux du chêne vert ? Il n’y a pas de cochons sauvages sur la pelouse des Sangliers pour le confirmer.
La nature reprend le dessus
Pas facile pour ce chêne de Turner d’assurer sa descendance. D’un côté de la grille du palais d’Egmont, ses glands tombent sur un gazon parfaitement ratissé. De l’autre, sur un sol pavé (et sur le toit des voitures qui osent se garer à l’ombre de son feuillage).
Mais certains glands arrivent quand même à se faufiler entre les pavés. Le long du mur on aperçoit parfois de toutes petites plantes qui ressemblent à du houx. Ce sont sans doute des petits chênes. Les descendants du chêne de Turner abandonnent petit à petit leurs caractères hybrides. Ils ont tendance à retourner soit vers les origines du chêne pédonculé, soit vers les origines du chêne vert. Ici, les feuilles découpées et piquantes de ces pousses font plutôt penser au second.
Pour l’instant ces mini chênes de 3-4 cm de haut se contentent de peu. Qui sait si la ville leur laissera l’occasion de grandir … ou s’ils passeront à la débroussailleuse. Pour leur assurer un bel avenir, vous pouvez vous inspirer de « l’Homme qui plantait des arbres », de Jean Giono. Ramassez-les délicatement et trouvez-leur un pan de nature à embellir. Avec votre coup de pouce, pas mal d’espace, un peu de chance, et la protection magique des Dryades, Hamadryadres, Oakmen et autres Pillywiggins, ils pourraient bien traverser le prochain millénaire.
(Textes et photos par Priscille Cazin https://www.sylvolutions.eu)
Ce portrait est enrichi d’une illustration issue de la Collection de l'Etat fédéral belge en prêt permanent au Jardin botanique de Meise. https://www.plantentuinmeise.be/fr/home/