Carte d'identité
Utilité et services de l'arbre
Traits et caractères de l'individu
Coincé entre deux bancs, un parking et les fils du tram, un home de plusieurs étages et le cimetière de Jette, cet individu partage l’espace du square Secrétin avec un tilleul argenté. Son âge est une énigme. Il a bénéficié d'un bon apport de lumière. Mais cela n'explique pas sa croissance. Avec une circonférence de plus de 5m, il a poussé étonnamment vite. A-t-il réellement été planté en 1930? Ou bien est-il possible que le chêne et le tilleul s’entraident ?
L’éventail
Difficile de trouver plus belle ramure à Bruxelles. Cet individu en pleine santé, déploie allègrement un impressionnant éventail de branches au-dessus du square Secrétin, de la chaussée qui le borde, de deux voies de tram, et d’une rangée de parkings en épi. Rien que ça. Son tronc trapu, très court et puissant, porte un immense dôme qui occupe presque tout l’espace de l’avenue.
Une beauté déployée
A 3 mètres du sol seulement, l’arbre se ramifie dans toutes les directions. Sa structure époustouflante est bien visible lorsqu’il se dénude en hiver. Les autres saisons, il forme une énorme boule de feuillage qui fait de lui un point de repère immanquable dans le paysage urbain : vert foncé au printemps et en été, roux en automne. Il rappelle l’architecture de ces grands chênes isolés, qui s’épanouissent en pleine campagne, et en pleine lumière. Cette position isolée, centrale dans un quartier très densément bâti, font de lui îlot de verdure à part entière.
Tout est grand chez ce chêne. Les feuilles aussi : elles peuvent atteindre jusqu’à 15 cm de long. Leur taille et leur forme se distinguent de celles des chênes de chez nous (indigènes). Elles sont lobées, mais avec des échancrures très prononcées entre les lobes.
L’arbre est à ce point remarquable qu’il a été inscrit à l’inventaire du patrimoine naturel en 2001, et sur la liste de sauvegarde en 2003. Sans doute ce colosse avait-il besoin d’une certaine protection face à la pression de l’urbanisation... Une attention bien méritée car il appartient, en plus, à une espèce rare à Bruxelles : Quercus frainetto (son petit nom latin), ou chêne de Hongrie. Avec un tronc impressionnant de plus de 4 mètres de tour, il est le champion (belge) et régional de son espèce.
Dans la force de l’âge
Face à un chêne d‘une telle ampleur, on se pose souvent la question de l’âge. Vu sa taille, on a l’impression que ce spécimen a traversé les siècles. Pour le mesurer avec précision, il faudrait en principe « carotter » l’arbre: prélever un morceau de son bois (en forme de carotte) depuis l’écorce jusqu’au cœur du tronc et compter les cernes qu’il renferme. Mais cette méthode risquerait de le blesser et de l’exposer à un risque inutile d’attaques de champignons, d’insectes parasites, ou d’infections par des bactéries.
Et donc, c’est en regardant bien autour de soi, et en recoupant les observations avec les archives de la Région qu’il est possible de remonter dans le temps. Ou bien, en levant le nez vers la canopée, et en butant, par le plus grand des hasards, sur un bout de rocher planté au milieu de la pelouse du square. C’est une stèle qui porte juste deux dates : 1830 – 1930. Le chêne a été planté en même temps qu’elle, en 1930, pour commémorer le centenaire de l’indépendance de la Belgique. Les chênes ont la réputation de vivre longtemps (plus 2000 ans pour les pédonculés et les sessiles, 300 ans pour les frainettos). Ils sont souvent plantés pour marquer l’histoire. On peut alors mesurer son âge avec précision.
Ici, on a la preuve que l’arbre a presque une centaine d’années. D’après ses 5,11 mètres de circonférence bien sonnés, on peut déduire qu’il a pris entre 4,5 et 5 cm de tour par an. C’est énorme lorsqu’on considère qu’un chêne isolé, qui profite vraiment de la lumière dans toutes les directions, pousse environ 3 cm par an. Ce chêne de Hongrie continue à surprendre les dendrologues de la Région tant sa croissance est particulièrement vigoureuse.
Les frainettos ont beau avoir une durée de vie nettement plus courte que nos chênes indigènes, ce monument vivant de la Région a encore de fort belles années à venir. Contrairement aux chênes de nos forêts, lui qui pousse entre une grande maison de repos et le cimetière de Jette, n’est pas près de se transformer en planches.
(Textes et photos par Priscille Cazin https://www.sylvolutions.eu)
Jumelage
Ce chêne de Hongrie colossal, qui habite tout l’espace du square Secrétin à Jette, a été remarqué par la Société Belge de Dendrologie. Il a été jumelé à un individu de la même espèce de l’Arboretum de Wespelaar. Voir "L'arbre botanicum"