Carte d'identité
Utilité et services de l'arbre
Traits et caractères de l'individu
Cet être vivant est le plus gros chêne et le plus vieil arbre de Bruxelles. Anciennement en forêt, puis dans le parc d’un château disparu, et enfin en bordure de chemin de fer : ce vétéran a traversé bien des épreuves. C’est un gaillard plein de vie qui offre le gîte et le couvert à un nombre impressionnant d’êtres vivants. Un espace protégé doit être aménagé autour de son pied: pour réduire le tassement du sol et laisser ses racines respirer.
Le Doyen de la Région
Le « Chêne Joséphine », se situe au fond d’un écrin de verdure méconnu des Bruxellois : le parc Jacques Brel. D’un côté, il domine une clairière. De l’autre, il protège un bois où repoussent de jeunes houx, noisetiers, sureaux, hêtres, et érables. Du haut de ses 38 mètres, avec un tronc de plus de 6 mètres de circonférence, et une couronne de 30 mètres de diamètre, cet arbre est le plus gros et le plus ancien chêne de la Région.
Un forestier en ville
Il y a près de quatre siècles, cet arbre se trouvait en pleine forêt. Il poussait dans l’ancien bois de Keersbeek attaché à la Forêt de Soignes. Ce vétéran a traversé bien des épreuves. Au fil des ans, il a vu le bois fondre autour de lui. A la fin du 19ème siècle il a perdu bon nombre de ses compagnons : ils ont été abattus pour faire passer le chemin de fer à cinquante mètres de lui. Au début du 20ème siècle, il est devenu « l’Arbre » choyé d’un domaine privé. Il s’est retrouvé au bout de la pelouse en face du petit château d’Adrien Tayard de Borms. Il porte le prénom de l’épouse du châtelain.
Ce chêne monumental a toujours été bien entouré par les habitants du quartier. Ils n’ont pas hésité à se mobiliser dans les années 60 afin qu’il soit préservé. Et aujourd’hui, il est sous la protection de la Commune de Forest : elle tente de lui refournir un environnement forestier, pour faire renaître à ses pieds un sol vivant, riche en humus, plein de champignons et d’insectes.
Un autre regard sur la vieillesse
Ce grand feuillu est un Quercus robur : un type d’arbre sacré. Robur en latin signifie vigueur, force, ou résistance. Les individus de cette espèce peuvent vivre entre 1000 et 2000 ans. Leur solidité, leur longévité, et leur réelle capacité à se regénérer, ont forcé le respect de plusieurs civilisations anciennes.
Le Chêne Joséphine, multi centenaire, creux et tordu, perd parfois une grosse branche. Ce n’est pas signe de maladie ou de sénescence. Les chênes sont capables de se débarrasser de leur bois sec, de former de nouvelles branches. Ils ont l’incroyable faculté de redévelopper leur couronne. Ils peuvent ainsi renouveler tout leur feuillage en plein été si d’aventure leurs feuilles sont attaquées par un parasite. En fait, les chênes, comme tous les arbres, peuvent être immortels. Le botaniste et biologiste Francis Hallé *, grand spécialiste des arbres et des forêts tropicales, écrit à ce sujet : « Placez un arbre dans les meilleures conditions possibles pendant toute sa vie et mettez-le scrupuleusement à l’abri de tous les événements fâcheux qui peuvent lui arriver : vous vous apercevrez qu’il ne meurt pas. »
Le Chêne Joséphine a donc de belles années devant lui. Ce « jeune gaillard » pousse encore vigoureusement. Il foisonne de vie : il sert de gîte et de couvert à un très grand nombre d’autres êtres vivants, à commencer par les lichens et les champignons. Les sillons de son écorce hébergent des milliers d’insectes. Ses branches accueillent des centaines d’oiseaux : différents types de pics, sitelles et geais, une chouette hulotte, etc. Seul un arbre de sa maturité peut accueillir une vie aussi intense. C’est le privilège de l’âge.
L’Union fait la force
Le Chêne Joséphine est directement connecté à un autre doyen de la capitale surnommé le « Chêne Double ». Leurs couronnes se frôlent sans se toucher : comme par pudeur ou par respect de l’espace vital de chacun. Ils se « parlent », échangent des messages via des molécules volatiles qu’ils émettent dans l’air. Ils communiquent aussi via les filaments de mycélium qui relient leurs racines dans le sol (wood wide web). Ensemble, ces deux arbres se défendent mieux : ils défient mieux le temps.
Des détails qui ne trompent pas
Le Chêne Joséphine et son compagnon le Chêne Double ont une architecture très différente, et ils ont chacun leur caractère. Mais ces 2 deux géants partagent des traits communs, propre à leur espèce. Au printemps, tous deux se parent de jeunes feuilles rouge brun qui les distinguent de tous les autres individus du parc et du bois. Leur écorce est reconnaissable d’entre toutes : d’un brun gris, avec de profonds sillons verticaux, parfois entrecoupés de petits sillons horizontaux. Leurs feuilles sont haut perchées : elles sont groupées en petits bouquets au bout des rameaux. On peut les observer au pied des deux arbres : elles sont simples, leur bord est lisse, et leur forme est lobée. A leur base, on dirait qu’elles sont munies de petits lobes ou oreillettes. A l’automne, le sol est jonché de glands. Ils sont munis de longs pédoncules (petites tiges). C’est de là que vient le nom scientifique français de cette espèce : chêne « pédondulé ». Caché dans le bois, le Chêne Double est plus discret que le Chêne Joséphine. Mais avec ces indices en tête, vous pourrez le retrouver facilement.
(Textes par Priscille Cazin https://www.sylvolutions.eu, photos par Gwen Breuls https://vimeo.com/gwenvideos)
*Bibliographie: Pour aller plus loin Auteur : Francis Hallé, Titre : La vie des arbres Edition / Publication / Article : Les Petites conférences, Bayard, p 20 et 21
Ce portrait est enrichi d’une illustration issue de la Collection de l'Etat fédéral belge en prêt permanent au Jardin botanique de Meise. https://www.plantentuinmeise.be/fr/home/